Une histoire d’A…

Elles se souvenaient de leur première rencontre, comme si c’était hier.

Elle s’étaient rapidement entrevues et pourtant, cela avait suffit à créer une connexion unique.

Durant la cérémonie, elles étaient restées cachées, prêtes pour leur grande apparition. 

Leur moment de gloire.

Dès l’instant où la lumière se fit sur elles, elles comprirent qu’elles étaient faites l’une pour l’autre.

À la fois belles et brillantes, elles n’avaient rien à envier à personne.

Elles allaient devenir des symboles, une seconde peau, collée là, tout contre la veine palpitante du doigt, celle qui conduit vers le coeur.

Elles se glissèrent avec délice dans ce nouveau rôle et apprirent à connaître celle et celui qu’elles se destinaient à accompagner.

Discrètes, elles étaient désormais de toutes les photos.

Elles firent des voyages inoubliables, traversèrent les continents, découvrirent des paysages beaux à couper le souffle.

La plupart du temps, elles s’entrapercevaient de loin, le temps d’un reflet, chatoyant comme un clin d’oeil.

Plus rarement, elle parvenaient à se toucher, lors de ces étreintes qui possédaient un goût d’éternité.

Les années glissaient sur elles, leur apportant une patine qui les rendaient encore plus désirables.

Leur quotidien était fait de ces mêmes petites joies qui ponctuent le fil des jours : un café en terrasse, une écharpe que l’on serre autour de son cou pour se préserver des premiers frimas, un animal familier que l’on caresse…

Leurs atours de métal les rendaient moins sensibles aux effets du temps, à tel point qu’elles s’étaient mises à y croire réellement, chacune de leur côté, à cette éternité de l’amour.

Elles n’avaient pas vu venir les rides, sur les mains comme sur les commissures des lèvres… 

Un soir, une main se serra pour la dernière fois autour de celle, inerte, d’un compagnon de vie qui n’était plus.

Un matin, l’une d’elles fut séparée de ce doigt dont elle faisait tellement partie qu’elle y avait laissé sa marque : une empreinte que la mort elle-même semblait incapable d’effacer.

Quelques jours plus tard, elle se retrouva entre les mains expertes de celui qui allait lui ôter quelques grammes de matière, pour lui permettre d’épouser un autre doigt.

Elle vint ainsi rejoindre celle avec laquelle elle avait partagé, de loin, la même existence, vécu les mêmes instants de bonheur, de doute, de colère et d’amour.

Enfin, elle ne faisaient plus qu’une, accompagnant la langueur de jours devenus trop longs.

Elles suivirent ensemble le lent déclin d’une âme désormais solitaire, vivant dans la nostalgie de son amour perdu.

Quelques années plus tard, elles retrouvèrent un écrin, celui-là même qui s’était ouvert sur elles des décennies plus tôt ; et la nuit se referma sur elles.

Nul ne sait si le temps qui s’ensuivit se dénombra en mois, en années ou en siècles.

Soudain, l’écrin de velours s’agita avant de s’ouvrir sur un visage, jeune et souriant. Qui fut rapidement rejoint par un autre, tout aussi beau et enthousiaste.

Il ne fallut pas grand chose pour leur restituer leur éclat d’antan. 

Cette fois, elles savaient ce qui les attendait. La cérémonie n’était qu’un nouveau point de départ. 

Dans ce monde où tout allait toujours plus vite, elles restaient les symboles d’une force indépassable. Celui d’une nouvelle vie à deux, dont elles entendaient bien profiter. À chaque seconde.